Rapport de la mission infirmière effectuée à l’HGR de Kabinda du 10 août au 17 septembre 2014

Préambule
Rechercher la qualité des soins c’est s’inscrire dans une démarche qui ne sera jamais terminée, en effet, les progrès effectués dans tous les domaines du savoir et surtout dans celui des sciences de la santé nous obligent constamment à adapter notre manière de prendre en soins les patients. C’est ainsi que toute organisation de soins infirmiers implique toujours une révision de ses connaissances, une formation du personnel que l’on se plaît à qualifier aujourd’hui de continue, car jamais achevée.
Donc, dans cette démarche, on est sans cesse appelé à se perfectionner et à changer ses habitudes de travail. En plus, apporter du changement, implique une dynamique qui mobilise toute une institution ou les équipes qui la constituent. On s’installe dans une concertation permanente, dans un dialogue ouvert et honnête entre toutes les parties prenantes. C’est seulement de cette manière que l’on peut se donner ou espérer quelques chances de succès.
Introduction
Une intervention au niveau d’une institution hospitalière suppose une évaluation préalable et implique une demande.
Quels étaient les termes de la demande reçue ? – Former le personnel – Organiser le service hospitalier
Quels étaient mes objectifs ? 1. Objectif général : mettre mes compétences et expériences au service de l’HGR de Kabinda 2. Objectifs spécifiques : a. Observation et évaluation des soins infirmiers b. Proposition d’améliorations possibles c. Formation du personnel en fonction de celles-ci
Que savons-nous au juste de l’hôpital général de référence de Kabinda ? – L’HGR compte 225 lits environ, et totalise 11 services : 1. Soins intensifs pédiatriques 2. Soins intensifs et urgences adultes 3. Chirurgie hommes et femmes 4. Médecine interne hommes 5. Médecine interne femmes 6. Maternité, gynécologie et néonatalogie 7. Pédiatrie 8. Bloc opératoire Soins intensifs pédiatriques

9. Radio 10. Pharmacie 11. Pati : Programme Anti Tuberculeux Intégré
Il y a actuellement 5 médecins attachés à l’hôpital
 Dr Antoine : pédiatrie  Dr aimé Mpoyi : médecine femmes  Dr Rocco : médecine hommes  Dr oscar : Pédiatrie  Dr Claire Nogier : médecine + urgences
1. Méthode de travail :
Pour arriver à atteindre ne fût-ce que partiellement mes objectifs, j’ai pensé qu’il fallait tout d’abord faire partie intégrante du personnel d’un service pour mieux observer ce qui s’y vit au quotidien. Cette méthode s’appelle l’observation participante.
Comme je n’avais pas reçu de consignes particulières, ni de programme de fonctionnement précis, je me suis rendu dans le service le plus récemment ouvert et où j’étais visiblement attendu par une partie du personnel : le service des « urgences et de soins intensifs ». Certains infirmiers de ce service avaient effectivement reçu une courte formation en soins d’urgence de ma part en 2011.
C’est finalement là que j’ai travaillé durant les 40 jours de mon séjour, même si j’ai pu visiter d’autres services, aucun des exposés prévus avec les directeurs de nursing n’a été réalisé, ni aucune visite des autres services organisée par les mêmes responsables qui remettaient sans cesse à plus tard ce qui devait être programmé. Le responsable du service des soins intensifs m’a réservé un accueil enthousiaste, demandant à recevoir des formations sur la prise en charge des différentes pathologies qui se présentent régulièrement dans celui-ci.
Les principales pathologies prises en charge habituellement sont :  Paludisme aggravé  Anémie sévère  Infections respiratoires  Méningites  Fractures diverses  Césariennes  Problèmes de diabète décompensé
2. Mes observations :
A. Au point de vue de l’architecture :  Il s’agit d’une salle commune avec des lits à l’enfilade, le respect de la confidentialité et de la pudeur des patients laisse à désirer.  Le sol présente des écailles (trous) en plusieurs endroits

 Les sanitaires se trouvent à une distance qui n’est pas raisonnable pour les malades  Pas de local de rangement, pas de vidoir, le local de douche sert de vidoir et de toilette B. Au point de vue organisation matérielle du service :  Il y a trois points d’entrée dans la salle, ce qui entraîne trop de va et vient injustifiés  La salle est divisée en 2 parties séparées par une bâche : o 1 côté pour les hommes o 1 côté pour les femmes  La bâche de séparation entre les 2 rangées de lits me semble inesthétique et pas vraiment efficace  Fenêtres : les tentures occultent insuffisamment, on peut tout observer depuis l’extérieur, ce que les visiteurs ne se privent pas de faire.  Le rangement dans la salle est chaotique : o Le bureau du chef est encombré d’objets divers o Le matériel de soin  Est soit, entassé en-dessous du même bureau  Soit se trouve pêle-mêle dans un panier à même le sol: Sondes urinaires, sondes à O², trousses, seringues, aiguilles… Il est difficile de trouver quelque chose en cas de besoin.  Pannes, urinaux et bacs réniformes s’amoncellent en dessous de l’évier (parfois pas lavés), le propre et le sale se côtoient  Le matériel pour se laver et s’essuyer les mains est rudimentaire et sans sécurité au point de vue hygiène (eau courante jusqu’aux environs de midi)
C. Au point de vue équipement du service :  Le service pour adultes et pour enfants est assuré par 7 personnes, dont certaines ont d’autres responsabilités ailleurs (un des infirmiers qui travaille parfois la nuit assure les soins de kiné durant la journée)  Il manque de linge : draps, alèses, couvertures, essuies, gants  Le matériel est vieux et pas réassorti
J’ai travaillé durant 5 semaines dans ce service de 8h à 14h environ à raison de 6 jours par semaine. Mes impressions du départ se sont confirmées :  Le manque de matériel paralyse le travail, exemple : on doit faire une ponction lombaire, où trouver le matériel qu’il faut employer ? A la pharmacie et celle-ci se trouve assez loin du service et on y fait la file.  Faire la toilette d’un patient n’est pas dans les habitudes du personnel. Quand cela s’avère nécessaire, on cherche en vain le matériel : bassin, gant, essuie, savon,…

o L’arrivée de deux grands brûlés au début du mois de septembre a rendu ce soin absolument indispensable. Petit à petit, la toilette est devenue un soin moins répugnant pour quelques-uns des soignants.  Pour se laver les mains : o Le robinet est parfois fermé : se servir du bassin o Le savon : il trempe dans un pot toute la journée o L’essuie : il n’y en a pas, chacun se débrouille, quand il y en a un, il est trempé dès le milieu de la journée  Pour les pansements : Désinfectants, compresses et tampons pour sécher, produit à mettre sur la plaie (isobétadine…), compresses pour fermer la plaie, bandages pour maintenir les pansements en place …tout le matériel doit être commandé au nom du patient et être enlevé à la pharmacie. Pour éviter les vols, rien de cela ne se trouve dans le service, il faut toujours courir les chercher, cela retarde tous les soins et prend le temps de travail de l’infirmier-chef.  Pour tous les soins à apporter aux patients : il faut récolter scrupuleusement et rapidement la participation financière des familles, sans cela l’argent sera perdu et le malade disparu avant la présentation d’une facture finale.  Le problème de la vérification des comptes : le chef infirmier est chargé de la récolte des versements de patients pour les soins et les médicaments distribués. Cela lui prend au moins deux heures par jour, pendant tout ce temps les patients ne sont pas soignés.
3. Quelques essais d’amélioration introduits dans l’organisation
Petit à petit, en comprenant mieux le cadre dans lequel il leur fallait travailler, j’ai essayé de voir ce qui pourrait, avec les moyens disponibles sur place, faciliter ou sécuriser le travail des infirmiers. Pour le rangement du matériel
1. J’ai pu proposer d’installer des étagères et une armoire fermant à clef pour y placer le matériel le plus important et le plus coûteux. Nous avons dressé une check-list de ce matériel pour la vérification quotidienne. 2. Le Dr Claire m’a chargé de commander une deuxième table qui permettrait de dégager le bureau du chef. 3. J’ai organisé autrement la disposition des lits de façon à augmenter l’espacement vital des patients et à faciliter le travail des infirmiers qui ne pouvaient atteindre facilement le chevet du lit pour soigner les patients. 4. J’ai proposé d’installer un système de tentures de séparation entre les lits (en plastic de préférence) pour respecter la pudeur et l’intimité des patients et encourager ainsi une relative confidentialité. Ceci représente un poste à budgétiser pour l’avenir.
4. La formation du personnel infirmier
Vu la tension qui régnait à l’hôpital à propos des revendications salariales, il était malvenu de faire des longues communications et pour un nombre important d’infirmiers.

En effet :
Selon le personnel soignant, toute formation apporte des connaissances supplémentaires, et les connaissances génèrent de nouvelles compétences or, selon les infirmiers, les compétences se paient. Ainsi, encourager la formation du personnel a pour conséquence, la réclamation d’une augmentation salariale. Pour éviter cet inconvénient, il m’a été demandé de faire des exposés qui ne dépasseraient pas quarante-cinq minutes, et qui en plus, se dérouleraient dans le service où je travaillais. J’avais emmené avec moi un certain nombre d’ouvrages qui devaient me servir à la préparation de mes interventions. Mais contrairement à mon séjour précédent, j’ai adopté une autre méthode pour ces formations. J’ai annoncé aux infirmiers que je ne leur donnerais pas cours, mais que chacun à son tour aurait l’occasion de préparer un exposé relatif à une pathologie en se documentant dans ma petite bibliothèque. Les participants aux formations avaient tous reçu un cahier et quelques stylos bille pour prendre des notes et préparer leurs exposés. La préparation de l’exposé demandait trois jours et une séance d’écoute de l’intervenant avec moi était prévue avant la présentation aux collègues infirmiers. Celui ou celle qui présentait le sujet devait après son exposé, répondre aux questions de ses collègues et j’intervenais pour préciser ou corriger ce qui était expliqué. Je faisais ensuite le résumé de ce qui était important à retenir et des attitudes indiquées face à cette pathologie.
Cette méthode présentait les avantages de :
 Leur apprendre à se documenter  Leur apprendre à rédiger un exposé  Leur apprendre à prendre la parole en public  Fixer pour les autres les points principaux d’une pathologie
D’abord surpris par cette façon de travailler, ils ont rapidement apprécié la méthode. Ils se sentaient impliqués dans l’apprentissage et y participaient activement par les questions qu’ils posaient après l’exposé. J’ai l’impression qu’ils en ont retiré beaucoup de notions nouvelles. Ils m’ont même dit un adage en kisonge qui signifie que ce qu’on apprend pour le transmettre à d’autres on le connait deux fois.
5. Organisation d’une journée type
Après avoir écouté le rapport de nuit, je faisais le tour de la salle avec le responsable ou l’infirmier présent le matin, nous notions nos observations et vérifions les soins qui avaient été prodigués depuis la veille. Nous relevions ensuite les constantes biologiques des patients, puis on dressait le plan des soins de la journée pour chaque patient. Durant la journée, je travaillais aux soins en montrant parfois des solutions alternatives à celle qu’ils avaient l’habitude d’utiliser ou en leur montrant des soins qu’ils ne connaissaient pas.
J’avais apporté des appareils pour la prise en charge des détresses respiratoires et pratiquer des aspirations bronchiques, offerts par l’association Kantu Keetu Booso (association des songye de Belgique). Ceux-ci ont été remis à l’hôpital en présence de sœur Claire, sœur Marie de la Croix, du Directeur de nursing M. Kiny et son adjoint Godefroid.

Ce matériel fut conservé aux urgences sous clef dans une armoire. J’ai pu en montrer l’utilisation aux infirmiers et expliquer les cas où leur utilisation était indiquée.
I. Liste des exposés qui ont été faits :  17/8 Le palu grave chez l’enfant  19/8 La méningite  23/8 Le diabète  27/8 L’Anémie sévère chez l’enfant
II. Quelques démonstrations :
J’ai moi-même présenté certains soins en travaillant avec le personnel suivant le cas des patients présents dans le service :
 Démonstration de l’emploi du tensiomètre  Surveillance des paramètres chez les patients  Retrait d’un redon + pansement de plaie  Placement d’une sonde vésicale à demeure  Démonstration d’une aspiration bronchique  Démonstration du soin d’une escarre fessière à l’Isobétadine  Exposé sur l’oxygénothérapie  Démonstration du matériel pour intubation  Exercice d’intubation et de massage cardiaque en collaboration avec papa Kitengie (infirmier anesthésiste)
Avec le chef infirmier :  Conseils pour la prise en charge des cas dits « compliqués »  Conseils pour la prise en charge des élèves en stage  Conseils sur la façon de gérer le tour de salle avec le médecin-chef  Conseils pour contrôler la valise de réa  Conseils pour la gestion de la journée de travail  Conseils pour bien accueillir un patient venant de l’extérieur 6. Propositions pour l’avenir:
Comme je l’ai dit plus haut, rechercher la qualité, c’est entrer dans une dynamique de progrès et de changement. Un travail bien fait, quel qu’il soit, suppose un « après » sans quoi tous les efforts déployés pour le faire seraient perdus. Il en est ainsi pour les soins infirmiers à Kabinda. Mais on doit garder à l’esprit que le changement est l’affaire de tout le personnel soignant. En fait, le travail accompli dans la salle des « soins intensifs » qui n’est pas terminé, pourrait servir de point de départ pour le travail dans les autres services.
Que reste-t-il à faire ?
1. Au point de vue de la formation et des observations : a. Continuer le travail commencé aux soins intensifs en tenant compte de la liste établie de commun accord avec le Dn Kiny (voir addendum) b. Compléter mes observations en allant dans d’autres services

c. Evaluer l’hygiène hospitalière et faire des propositions d’amélioration
2. Au point de vue amélioration des équipements a. Pour l’équipement du service des soins intensifs : i. Se procurer : des bonbonnes d’O² appropriées, 1 ou deux moniteurs cardiaques, 2 ou 3 pousse-seringues pour des perfusions très précises de certains solutés. ii. Actuellement seul un défibrillateur manuel offert en 2011, est disponible pour la réanimation cardiaque. Il serait bon de disposer aussi d’1 défibrillateur semiautomatique. iii. Nous avons reçu et transporté cet été un respirateur, il serait bon de disposer d’un second pour être à la disposition des autres services de l’hôpital. iv. Continuer à étoffer le petit matériel disponible sur place : trousses appropriées, cathéters de différents calibre, seringues de plusieurs capacité et assortiment d’aiguilles, différentes sondes, set de pansements, compresses…… b. Réfléchir sur le nettoyage du linge et l’aménagement de la buanderie c. Etudier la possibilité de la création d’une salle de jeux pour occuper les petits hospitalisés pendant la journée
Addendum
A. Le PATI
Juste avant mon départ, j’ai été invité par l’infirmier responsable à visiter le service PATI (Programme antituberculeux intégré) + CDV (Conseil de dépistage VIH) On y soigne les maladies chroniques : MIV, HTA, cardiopathies, diabète, épilepsie, psychose, drépanocytose. Les points importants de la prise en charge des patients sont :  Histoire de la maladie du patient  Prélèvements o Après 3 mois o Après 6 mois  Prévention : Education du patient o ARV : Antirétroviraux o IST : Infections sexuellement transmissibles  Les gens viennent soit o Des centres de santé o De la communauté o Des services d’hospitalisation La tuberculose est la première infection chez les PVV (Personnes vivant avec le VIH), ce qui explique l’importance que l’on attache à cette pathologie.
B. Liste des sujets à traiter dressée par le directeur de nursing 1. CAT en cas de coma 2. Epilepsie chez l’adulte 3. Asthme chez l’enfant

4. Suspicion d’embolie pulmonaire 5. Suspicion d’embolie aigüe 6. Méningite : prise en charge 7. Hypoglycémie et hyperglycémie 8. Dyspnée chez l’enfant 9. Diarrhée chez l’enfant 10. Le lavage des mains 11. Aspiration trachéo-bronchique 12. Placement d’une bonbonne ou d’une bouteille d’O² 13. Drainage thoracique 14. Manœuvre de Heimlich 15. Massage cardiaque 16. Oxygénothérapie 17. Position PLS 18. Transfusion en urgence 19. Réanimation avec massage cardiaque