Rapport de mission à l’hôpital de KABINDA, Kasaï oriental, RDC 14 Décembre 2013 – 26 Février 2014

Suite aux erreurs de procédure dans le circuit de l’argent de l’hôpital de Kabinda, constatées lors de la mission administrative de aout 2013, il a été décidé de commun accord entre la Communauté des Béatitudes, AAIF, AAIB et AAIC qu’une nouvelle mission aurait lieu afin d’installer des procédures sécurisantes pour les transactions financières.


1. Les recettes : Un nombre important de factures n’apparaissaient pas dans le livre analytique, ce qui induisait donc une différence entre le montant total des factures et les recettes en cash. Il y avait donc un gros manque à gagner pour l’hôpital, cet argent disparaissant dans les poches de certains agents de l’institution. Des dossiers de malades ont également été contrôlés manuellement et il a été constaté que certains montants avaient été annoncés mais pas repris dans le livre analytique. Un système a été immédiatement mis en place afin de stopper net ces détournements. Ce système constituait en un tableau excel de comparaison entre les factures et les recettes déclarées. Le résultat a été immédiat.
Lacunes de ce système : ce contrôle reposait sur une seule personne, l’assistant du comptable et n’était donc pas sécurisé dans la mesure où sa participation éventuelle aux précédents détournements n’a pu être éliminée, mais sans jamais avoir été constatée. Il fallait donc installer des procédures plus sécurisées.
2. La comptabilité de l’hôpital était établie sur le logiciel Excel. Mr Katunga, le comptable en chef réalisait cela fort consciencieusement mais avec le regret de ne pas disposer d’un vrai logiciel de comptabilité.
3. Les factures étaient établies dans des carnets en format A4, (9 factures par page découpées au fur et à mesure afin de les annexer aux dossiers de malades) Le double (grâce à un papier carbone) restant à la comptabilité était très fragile dans la mesure où ce document était sur papier film de plus en plus illisible avec le temps. Quand l’original disparaissait du dossier du malade, plus rien ne permettait de savoir ce qui avait été réellement facturé et encaissé.
Autre problème avec les factures : la numérotation. Chaque « facturier-ère » numérotait lui-même ses factures. Beaucoup d’erreurs étaient commises dans la suite des numéros.
Et enfin, certaines factures, établies aux conventionnés, n’étaient pas correctement retranscrites dans les carnets adéquats. Ces factures étant transmises après prestations aux organismes concernés, il y avait un manque à gagner certain.
Pour la pharmacie, un problème se posait car certaines factures n’étaient jamais présentées à la caissière (des malades renonçant à cet achat par manque d’argent). Il était difficile d’identifier les factures réellement payées à la caisse.
Cette nouvelle mission avait pour but d’installer de nouveaux outils afin de régler ces problèmes.
1. Les factures.
Désormais les factures sont établies en 3 exemplaires et pré-numérotées. Les 3 exemplaires sont sur papier 80mg. La numérotation a d’abord été préparée manuellement à l’aide d’un numéroteur, ensuite automatiquement grâce au don par le gouvernement d’une imprimante. Un tableau Excel de 40 pages permet de prénuméroter un facturier de 320 factures, chaque facturier ayant son propre logo
Pour la pharmacie, la facture établie par les pharmaciens est désormais considérée comme une facture pro-forma et c’est la caissière qui établit la facture définitive après paiement. Le pharmacien ne peut servir le malade que s’il présente les 2 exemplaires, munis du tampon « cash »
Le 1er exemplaire de chaque facture est agrafé au dossier du malade (ou remis au malade pour la pharmacie), le 2ème est destiné à l’encodage et le 3ème aux archives.
Les mentions ont également été modifiées. Désormais il y a une case prévue pour indiquer obligatoirement (sauf exceptions accordées) le numéro unique du malade.
2. L’encodage
Un ordinateur financé par AAIB et remis à AAIC est désormais mis à la disposition du service « réception et facturation ». Un encodeur a été engagé. Son rôle premier est d’introduire dans un classeur Excel les factures du jour. Lorsque la caissière a terminé sa journée et calculé l’argent récolté, il doit comparer ce montant avec le livre analytique et ses encodages. Un tableau croisé dynamique lui permet de connaître les montants par service.
D’autre part, ce classeur Excel comprend une page où sont encodés tous les numéros uniques et le signalétique de chaque malade. Lors de l’encodage des factures, le nom du malade apparaît automatiquement. Afin que ces encodages puissent servir à d’autres usages, d’autres paramètres sont encodés, tels que les dates d’hospitalisation et de sortie. Une tentative a été faite afin de se servir de ces encodages pour les statistiques de l’hôpital. Mais il y avait trop d’erreurs suite au système d’orientation des dossiers. Cet objectif a été provisoirement abandonné. Ce classeur permet, grâce au système de filtre, de faire apparaître les factures établies pour un malade bien précis, à partir de son numéro unique.
3. La comptabilité
Un autre ordinateur également financé par AAIB et offert à AAIC a été équipé du logiciel de comptabilité « BOB50 », version asbl. Cet ordinateur est mis à la disposition du service de comptabilité.
Les factures sont encodées et les totaux sont confrontés journellement avec ceux qui ressortent du logiciel Excel.
Toutes les opérations comptables seront petit à petit intégrées dans ce logiciel. Dans un premier temps nous nous sommes occupés du livre de caisse, celui –ci venant contrebalancer l’encodage des factures. Toute différence doit être recherchée et corrigée.
Un autre avantage de l’encodage des factures se situe au niveau des conventionnés. Pour rappel, un certain nombre d’actes médicaux sont facturés mais non payés suite à convention avec des tiers (par exemple la Communauté des Béatitudes). Pour rappel, ces factures sont reportées par la caissière dans des carnets, mais il y avait beaucoup d’erreurs. Aucun oubli n’est désormais plus possible.
Un apport important de ce logiciel est la possibilité d’importation des données dans un tableur Excel afin de permettre une exploitation étendue des données enregistrées.
Ces données en Excel doivent d’abord être converties afin de pouvoir en extraire des calculs. Une formule a pu être découverte et à l’aide d’un tableau croisé dynamique, il est possible de faire très rapidement une synthèse exacte des facturations du mois, par type de « client » et par service. Auparavant ce travail demandait environ 2 jours de travail par mois, avec un taux d’erreurs important
La formation sur ce logiciel a été donnée à l’assistant du comptable. Le comptable luimême manquait de temps car il était très occupé avec les comptes 2013.
Mais cet employé a été licencié 10 jours avant mon départ. C’est donc sur le fil que j’ai formé l’actuelle secrétaire à l’encodage des factures, ainsi que le comptable à la manipulation du logiciel. Et ce n’est que le dernier jour que nous avons pu introduire
les « A nouveau » issus du compte des inventaires de 2013. J’ai donc quitté Kabinda avec certaines craintes. Le comptable voyant sa charge de travail doublée suite au licenciement de son assistant va-t-il pouvoir se concentrer sur le logiciel ? Bien entendu celui-ci va lui apporter une aide importante et une facilité de gestion de sa comptabilité. Mais encore faut-il suivre ! Ce comptable, dont j’ai pu apprécier la valeur et les connaissances très approfondies en comptabilité, est psychologiquement très faible et en mauvaise santé.
Quant à la secrétaire formée sur le fil à l’encodage, je compte beaucoup sur sa motivation. Elle est très compétente et a beaucoup de ressources et de bonne volonté. Mais c’est une arme à double tranchant car ses compétences sont utilisées à toutes sortes de tâches administratives et une charge de travail importante repose sur elle. Bien entendu elle aura droit à une « prime de cumul », mais à l’impossible nul n’est tenu.
J’ai donc quitté Kabinda avec de grandes craintes et le projet de revenir le plus vite possible.
Je comptais aussi sur le jeune homme qui a été licencié pour soutenir l’encodeur nouvellement formé sur Excel. Cet encodeur était un débutant et aurait eu bien besoin d’une personne compétente pour l’aider en cas de problème. Il navigue désormais seul … jusqu’à mon retour.
Une note d’espoir : ce 17 mars, 15 jours après mon retour, j’ai reçu via Elisabeth de AAICongo les fichiers du logiciel BOB50. Ce dernier ayant été installé également sur mon PC, j’ai pu ouvrir la comptabilité et constater avec plaisir que les encodages des factures continuent. Seul le livre de caisse n’est pas tenu à jour dans le logiciel.
4. Nouveauté
Un nouveau système de récolte des fonds a été mis en place. Auparavant, les infirmiers apportaient sur un plateau les dossiers de malades. Comme la caissière était en même temps occupée à servir les patients externes (consultations, pharmacie, laboratoire, radio etc…), ces dossiers restaient parfois immobilisés pendant des heures à la réception. Ce qui posait des problèmes dans le suivi des malades, autant pour se procurer les médicaments à la pharmacie que lorsque les médecins faisaient le tour des salles. Lorsque qu’un malade présentait un problème, il fallait aller rechercher le dossier bloqué à la réception.
De plus, beaucoup de monde circulait dans ce service, l’argent exposé en permanence, chacun voulant être servi en premier, ce qui stressait beaucoup la caissière.
J’ai testé un système de récolte des fonds avec facturation immédiate dans les services d’hospitalisation. Il suffisait de créer un facturier supplémentaire et de partir avec une mallette comprenant tout le matériel nécessaire. J’ai d’abord tourné avec l’AG, ensuite avec la caissière. Pendant ce temps, la facturière de la réception assurait le service aux
externes. Sa charge de travail a été augmentée, mais auparavant elle avait beaucoup de temps libre par rapport à la caissière, et donc cela a eu l’avantage de rééquilibrer les choses.
Les infirmiers nous ont très vite dit que ce système leur apportait beaucoup dans la mesure où les dossiers des malades restaient toujours à leur disposition.
Il n’a pas été facile de maintenir ce système car nous avons rencontré quelques difficultés à désigner la personne adéquate pour accompagner la caissière. D’abord l’AG, ensuite le trésorier de retour de congé. Mais l’AG était souvent appelé à d’autres tâches et le trésorier mettait quelques résistances à démarrer le matin pour ce travail. De plus la caissière a vécu un deuil et a été absente pendant 6 jours. Le trésorier (impliqué dans les anciens détournements et autres faits) a été suspendu pour 3 mois quelques jours avant mon départ et remplacé par un infirmier revenu … d’une suspension de 3 mois pour d’autres raisons. J’ai donc repris du service à ce niveau afin de maintenir le système contre vents et marrées et former notre nouveau trésorier à la facturation dans les services.
La caissière revenue de son deuil et le nouveau trésorier étaient enfin à pied d’œuvre juste avant mon départ. J’espère que le système va être maintenu car c’est important que les dossiers des malades soient en permanence à la disposition des infirmiers et médecins.
Suite à l’envoi par Elisabeth des fichiers du logiciel BOB50, j’ai pu constater à la date du 17 mars que le système est maintenu.
Fin 2014, une mission complémentaire de 4 mois a permis de consolider la trésorerie par l’informatisation des écritures. Auparavant réalisées à la main, les fiches de paie de cette institution qui dénombre un peu plus d’une centaine d’agents sont désormais établies de manière informatisée. Le service d’intendance (gestion du matériel utilisé à l’hôpital) dispose désormais d’un système de suivi des stocks (multiples fournitures) de manière simplifiée et en concordance avec les données comptables. Le suivi de la pharmacie, déjà performant, a pu être encore amélioré par l’adjonction d’un système d’encodage permettant un contrôle plus pointu.
1. La comptabilité :
– poursuivre les encodages dans le logiciel. La secrétaire encode bien les factures régulièrement, mais le journal de caisse semble avoir été abandonné (suite sans doute à la masse de travail qui repose désormais sur le comptable). Il est nécessaire d’engager une personne formée en comptabilité et d’assurer sa formation sur le logiciel.
– assister le comptable dans son travail et apprendre de lui le maximum sur ses tâches. Ceci afin de pouvoir le seconder efficacement en cas de problème de santé.
Une personne devrait être engagée pour remplacer l’assistant licencié. Mais une supervision continue s’avère nécessaire.
2. Budget de l’hôpital Le docteur Oscar, qui a assuré une partie de l’intérim au poste de médecin directeur, m’avait demandé de les aider à réaliser le budget de l’hôpital. Le sujet n’a pas été remis sur le tapis à mon niveau mais avant mon départ sœur Claire m’a expliqué que ce projet était en cours et devrait se réaliser dans les semaines suivantes. Mais à défaut, cela pourrait aussi faire l’objet d’une future mission.
3. La base de données créée sur Excel devrait être sécurisée en la transposant dans un logiciel de base de données. C’est en cours avec la collaboration de Gerome Mayolle. Cette base de données peut également être complétée afin de servir à d’autres usages.
4. Les paiements des hospitalisations : Instaurer un nouveau système de récolte de fonds auprès des malades afin de libérer les infirmiers de cette tâche qui ne devrait pas faire partie de leurs attributions.
Ce dernier projet ne pourra se mettre en place que moyennant beaucoup de temps, de diplomatie mais aussi de fermeté. En effet, les usages sont bien ancrés et c’est un changement extrêmement important auxquels certains vont très certainement opposer
de grandes résistances. Une cohésion de tous les acteurs favorables à ce changement sera absolument indispensable. La première étape était la récolte de fonds dans les services avec facturation immédiate. Ce projet constitue l’étape suivante.

5. La pharmacie Le dépôt pharmaceutique est tenu avec beaucoup de rigueur et d’ordre par Sœur Marie de la Croix. Mais il y a des lacunes au niveau du « magasin ». Les inventaires physiques et électroniques présentent toujours des discordances. Il serait intéressant d’instaurer un système qui permette de mieux cerner ces différences et d’éviter ainsi le maximum de fuites. Ce système couplerait un contrôle de la distribution des médicaments à la pharmacie et dans les services d’hospitalisation.
6. Le petit matériel. Nous avions projeté avec Florie Vallet, l’infirmière française qui a fait une mission de 6 mois à Kabinda, d’analyser ensemble la manière de gérer le stock des petites fournitures dans chaque service. Mais la masse de travail face à laquelle je me suis trouvée m’a empêché de me pencher sur cette question. Ce projet devrait donc faire l’objet d’une prochaine mission. La valorisation de toutes ces fournitures serait intéressante pour la réalisation d’un budget pour chaque service.
7. La gestion des rémunérations.
8. AAICongo
D’autre part il est nécessaire d’apporter un complément à la comptabilité de AAICongo, afin de la rendre conforme à la loi congolaise Une codification doit être ajoutée à la comptabilité actuelle, suite aux conseils donnés par Giscard, rencontré providentiellement à Mbuji Mayi lors du voyage retour.
– Etant désormais sans emploi, je pourrais envisager une nouvelle mission d’une durée de 4 à 5 mois à partir de mai 2014.
– Je peux demander une dispense de 4 semaines pour mission humanitaire. Pour prolonger cette dispense de 2 mois, il me faut une dérogation de l’ONEM (office de l’emploi) afin de m’absenter pour une durée de 3 mois, auxquels on ajouterait mes vacances annuelles et un mois sans indemnités. Cette demande, signée par l’organisme qui m’envoie (AAI) devrait être rentrée le plus vite possible.